Pourquoi tailler les vignes ?
La vigne est une liane, sans l'intervention de l'homme elle pousserait à une vitesse folle, tout en longueur et coloniserait le milieu qui l'entoure. Voici les X grandes raisons pour lesquelles chaque vigneron(ne) doit impérativement tailler ses vignes.
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Faciliter le travail du producteur
Le premier intérêt de la taille est tout simplement de pouvoir circuler facilement dans les rangs de vignes sans se retrouver au cœur d'un amas de végétation, impraticable pour le vigneron et son tracteur.
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Permettre à la vigne de produire du raisin
Dans son état naturel, la vigne produit majoritairement des branches et des feuillages, mais assez peu de raisins ou alors des petites grappes acides, pas suffisamment qualitatives pour confectionner du vin. La taille crée un phénomène de stress qui déclenche le processus de reproduction de la vigne et la fabrication des raisins.
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Limiter le nombre de bourgeon
Tailler la vigne permet de déterminer la charge de raisin par pied et d'espacer les bourgeons pour éviter les entassements de feuillages. Tout cela joue sur la qualité de la récolte, les raisins seront plus gros, plus juteux et auront les qualités aromatiques pour produire des vins à déguster avec plaisir !
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Favoriser la longévité du pied
Si une bonne taille de la vigne a un impact direct sur le millésime à venir, elle est également indispensable pour assurer la pérennité du pied. En effet, la taille permet d'assurer l'équilibre du cep. Avant chaque coup de sécateur, le vigneron va analyser la vigne et adapter son travail en fonction de ses caractéristiques.
"Chaque pied est unique, c'est pourquoi on analyse et on adapte la taille en fonction de leur vigueur, leur forme ou leur âge" explique Charles, vigneron du Château d'Eyran.
Par exemple, le vigneron laissera moins de bourgeons sur une vigne peu vigoureuse pour éviter de l'épuiser. Au contraire, si la vigueur du cep est importante, que ses branches sont bien épaisses alors le vigneron pourra laisser davantage de bourgeons.
Quand faut-il tailler les vignes ?
S'il y a bien une question que les vignerons se posent tous les ans, c'est celle-ci ! Théoriquement, la taille peut être effectuée dès que la vigne a perdu toutes ses feuilles, c'est le signe qu'elle est en phase de dormance et qu'elle sera moins blessée par les coups de sécateurs. Néanmoins, depuis plusieurs années, les vignerons subissent régulièrement des épisodes de gel qui fragilisent la vigne et qui poussent les vignerons à repenser leur stratégie de taille. Pour limiter les risques de gel, il est vivement recommandé de débuter la taille le plus tard possible de manière à retarder l’éclosion des bourgeons et limiter leur exposition au gel auquel ils sont très sensibles.
En 2021, une grande partie des vignobles français ont été impactés par d'importantes gelées de printemps, une catastrophe qui a engendré une remise en question chez bon nombre d'entre eux. "Cette année, pour limiter les risques de gel, nous avons décalé d'un mois les travaux de taille comparé aux années précédentes. On espère que cela retardera l'éclosion des bourgeons de quelques semaines, un temps précieux ici à Saint-Émilion où les épisodes de gel se répètent depuis plusieurs années" précise Julien, vigneron du Château De la Cour.
Bien qu'un vieil adage dise : "taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars !", la taille est un travail beaucoup trop long pour ne pas être anticipé ! Les vignerons ont dû trouver le juste milieu pour ne pas tailler trop tôt, sans se mettre trop en retard. Pour cela, certains ont retardé les travaux d'un mois, d'autres ont adopté la taille en deux temps, en pratiquant d'abord une pré-taille, pour supprimer tous les bois inutiles, puis une taille définitive au mois de mars pour garder uniquement la baguette qui produira les raisins de la prochaine récolte et un courson, un bois plus court qui deviendra la baguette de l'année suivante.
Si le début de la taille varie en fonction des domaines, une chose est sûre, l'objectif est d'avoir terminé avant le réveil de la vigne au printemps !
Comment taille-t-on la vigne ?
Pour ce qui est du matériel, la taille nécessite un sécateur (à une ou deux mains) et de l’énergie humaine. Les vignerons les mieux équipés utilisent des sécateurs électriques pour décupler leur force, gagner du temps et réduire la pénibilité.
Il faut savoir qu'il existe différents types de taille qui varient en fonction de la conduite de la vigne et de la région de production. Dans certaines appellations, le type de taille est imposé et contrôlé. On distingue les tailles longues et les tailles courtes. Pour la taille courte, on garde un à deux bourgeons par sarment alors que pour une taille longue on va conserver entre 4 et 10 bourgeons. Passons en revue les types de taille les plus courantes :
Taille longue sur charpente longue (Guyot simple ou double)
La taille en Guyot (simple ou double) doit son nom au docteur Jules Guyot qui popularisa cette taille en France au XIXe siècle. Lors d’un périple en France durant le Second Empire, il a créé un mode de taille simple destiné à augmenter la production et à simplifier le travail de taille après avoir observé les pratiques locales de chaque région. Cette taille est mixte, c’est-à-dire qu’elle combine taille courte et taille longue. Après la formation du pied, le vigneron va conserver un ou deux sarments courts à deux bourgeons et une (Guyot simple) ou deux (Guyot double) baguettes plus longues de 6 à 15 bourgeons. Elle est adaptée aux cépages vigoureux et fructifères tels que le chardonnay ou le pinot blanc, par exemple. C'est la taille la plus pratiquée en France !
Au domaine Cluzeaud, en Bourgogne, Jean-Baptiste taille les vignes en Guyot simple.
Taille courte en Cordon de Royat
Le principe est de ne pas garder de grande baguette fructifère mais plutôt 4 à 6 petits coursons sur le cep qui portent 2 à 3 bourgeons chacun. Grâce à cette taille, les grappes sont étalées et profitent de l’aération, de l’ensoleillement et des traitements. Le Cordon de Royat permet d’obtenir des stades et des maturités homogènes et de prétailler et vendanger à la machine. C'est la taille privilégiée dans le Sud de la France.
Un cep de vigne taillé en Cordon de Royat
Taille courte sur charpente courte (Gobelet)
Elle concerne principalement les vignes basses non palissées, c'est-à-dire des vignes qui poussent en arbuste, sans fil ou piquet pour les attacher. Cette taille se caractérise par un pied plus ou moins haut et des bras en cornes (vieux bois). Pour cette taille, on va choisir un ou deux coursons qui porteront chacun deux ou trois bourgeons qui donneront les fruits de l'année. C'est une taille traditionnelle qui se pratique beaucoup dans les régions méditerranéennes car elle permet une bonne résistance au vent et la sécheresse. En revanche, cette méthode n’est pas adaptée à la mécanisation.
Un cep de vigne non palissé du Domaine des Gravennes qui sera taillé en gobelet.
La taille de la vigne, un travail à temps-plein
L’hiver et le début du printemps ne sont pas les seules périodes pour tailler la vigne. Il est possible de tailler la vigne pendant l'été pour la délester des rameaux non-fructifères, faibles ou mal placés. Cela permet à la vigne de réserver son énergie pour les rameaux porteurs de grappes. Elle permet également de supprimer le feuillage superflu du début de l’été pour ne pas étouffer les baies. Enfin, en été peuvent avoir lieu les vendanges en vert qui consistent à couper des grappes avant maturité pour soulager la vigne qui pourra se concentrer sur un nombre limité de grappes.
La taille de la vigne : un art qui possède son propre concours
Chaque année, en Champagne, La Corporation des Vignerons organise le concours de taille Champenoise. Au préalable, des cours pratiques et théoriques sont dispensés sur l'ensemble de la Champagne pour préparer les candidats à ce certificat d'aptitude diplômant.
L’objectif de cet apprentissage est de former les volontaires à la taille de la vigne dans le respect de la réglementation locale en vigueur.
Les candidats abordent quatre types de taille : le Chablis, le Cordon de Royat, la Vallée de Marne et le Guyot et passent également quatre épreuves. Une épreuve écrite, une épreuve pratique en Chablis, une épreuve pratique en Cordon de Royat et un oral. Chaque épreuve pratique est chronométrée et effectuée sous les yeux de trois jurys.
A l’issue de la formation, le Concours de taille validera les compétences acquises. Seuls 50% des candidats réussissent ce concours très complexe indispensable pour travailler la vigne en Champagne.
Si la formation à la taille est moins formelle dans les autres régions viticoles françaises, il n’en demeure pas moins que la taille reste une étape contrôlée et observée dans beaucoup d’appellations. Le type de taille - et notamment le nombre bourgeons conservés - définit en effet en partie le futur rendement. Il n’est pas étonnant que ces éléments soient inscrits dans le cahier des charges des appellations de prestige.