Qu’est-ce qu’un vin rosé et comment est-il élaboré ?
Commençons par ce qu’un vin rosé n’est pas ! Un vin rosé n’est pas l’assemblage de vin rouge et de vin blanc (sauf pour une exception que nous verrons plus bas !). Si c’est rarement un vin de garde dont on sort de vieux millésimes pour les grandes occasions, produire un très bon rosé n’en est pas moins délicat. Synonyme de plaisir immédiat et de fraîcheur, le rosé est une catégorie de vin à part entière, qui nécessite une attention particulière et un travail de précision.
Pour ce faire, il existe trois grandes méthodes d’élaboration.
La méthode du pressurage direct
L’élaboration du rosé via la technique du pressurage direct est une technique similaire à la vinification des vins blancs. Une fois vendangées, les grappes de raisins peuvent être détachées des rafles (le squelette végétal de la grappe) ou gardées entières, pour être ensuite pressées afin d’extraire le jus des baies. La durée et la force du pressurage vont déterminer l’extraction de la couleur et des arômes contenus dans la peau des raisins.
Une fois pressé, le jus est fermenté dans une cuve où il restera entre 10 et 14 jours afin de terminer sa fermentation alcoolique. Le vin est ensuite clarifié, il est séparé de ses impuretés et est placé dans une autre cuve où il vieillira jusqu’à son embouteillage. La technique de pressurage direct donne des vins pâles, frais et aromatiques.
Cette technique est la technique la plus utilisée dans la fabrication du rosé. Les vins rosés issus de pressurage direct plaisent aux consommateurs, car ils sont frais avec une couleur et des arômes légers. Les rosés élaborés de cette façon seront parfaits pour accompagner un apéritif ou un verre entre amis.
La méthode de la macération pelliculaire
La technique de la macération pelliculaire n’est pas très différente de celle du pressurage direct. Une étape importante vient s’ajouter au début du processus. Le raisin n’est pas directement pressé : on le foule et on le laisse d’abord macérer pendant environ 24 heures. La macération permet d’extraire les pigments et arômes présents dans les peaux et les pépins. Une fois cette étape terminée, les raisins sont pressés et entament leurs fermentation alcoolique. Les rosés produits par une macération pelliculaire possèdent une couleur soutenue, et sont généralement plus amples et aromatiques.
La méthode du rosé de saignée
La technique dite de “saignée” est la technique historique de l’élaboration du rosé. C’est en fait en prenant une partie du jus destiné à un vin rouge en cours d’élaboration qu’on fait un rosé de saignée. On “saigne” de quelques hectolitres d’une cuve de vin rouge en début de macération pour en faire un rosé.
Cette technique donne des vins rosés plus colorés et plus vineux, avec une bouche structurée, notamment parce qu’elle est utilisée avec des cépages destinés à l’élaboration de vin rouge.
Et l’assemblage ?
En France et en Europe, il est interdit de mélanger du vin blanc et du vin rouge pour faire du rosé, sauf dans une région : la Champagne. C’est en effet ainsi que la plupart des Champagnes rosés sont élaborés. Cette dérogation s’explique par la grande tradition d’assemblage des différents vins en Champagne. C’est en effet aussi la seule région qui associe des vins de plusieurs années de récolte différentes.
Le rosé issu de l’assemblage d’un vin rouge et blanc est une pratique courante à l’étranger, notamment en Australie et en Afrique du Sud. Souvent peu qualitative, elle est synonyme de gros volumes et de vins très bon marché.
(Vous voulez en savoir plus l'élaboration des vins rouges, blancs et rosés?)
Et dans la vigne?
La température de récolte
Pour la vendange des raisins destinés à la production de rosé, la température est très importante. Majoritairement produits dans des régions ensoleillées et chaudes comme le sud de la France, ce type de vin nécessite d’être vendangé très tôt le matin, voire la nuit et bien souvent à la machine à vendanger qui permet de récolter une grande surface rapidement. La vendange matinale ou nocturne permet de prévenir l’oxydation des jus qui est plus importante lorsque les baies ont pris le soleil toute la journée. Cela permet de limiter les coûts d'équipement et d’énergie nécessaires pour refroidir le raisin qui aurait eu chaud en journée. Le maître mot : la fraîcheur !
La maturité des raisins
La bonne maturité des raisins est la clef de la réussite de l’élaboration d’un bon vin, et c’est encore plus vrai pour les rosés.
En fonction de la méthode d’élaboration utilisée, il faut porter une attention différente à la maturité. Pour un rosé de pressurage, la maturité technologique, définie par le niveau d’acidité (pH) et le niveau de sucre des baies est primordiale. Ce type de rosé nécessite une belle acidité sans avoir un taux de sucre élevé, pour obtenir des vins très frais, acides, peu colorés et moyennement alcoolisés.
Pour un rosé de saignée et de macération, la maturité phénolique et aromatique des grappes, c’est-à-dire la maturité des peaux, des pépins et des arômes, est la plus importante. En effet, le contact prolongé du jus et des peaux lors de la macération nécessite une maturité optimale.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le raisin ne mûrit pas de façon régulière et les différents types de maturité ne sont pas atteints exactement au même moment pour une seule et même grappe.
Les cépages
La production de rosé est différente en fonction du climat des régions françaises :
A l’Est, en Bourgogne et dans le Grand-Est, les cépages utilisés sont le pinot noir et le gamay.
Au Sud-Est, la Provence est la région spécialisée dans la fabrication de vins rosés. Ils représentent 88,5% des vins produits sur l'appellation et sont issus de grenache, de cinsault, de syrah, de mourvèdre et de carignan.
Dans le Sud-Ouest, on est spécialisé dans la production de vin rosé de macération. C’est pourquoi les cépages utilisés sont pour la plupart des cépages à jus rouges comme le merlot, le cabernet sauvignon, le cabernet franc et le malbec.
Enfin, la Loire est la seconde région productrice de vins rosés de France avec des cépages comme le cabernet d’anjou, le cabernet sauvignon, le cabernet franc, le gamay, le malbec ou encore des cépages autochtones comme le côt (nom ligérien), le pineau d’aunis ou le grolleau.
(Vous voulez en savoir plus sur les cépages?)
Une révolution marketing : des rosés à tous les prix
Aujourd'hui, le rosé est un vin ancré dans la consommation des Français. Entre 2002 et 2015, sa production a augmenté de 50%. Il représente 30% des ventes de vins pétillants en France. La France est le 1er producteur de vin rosé au monde, devant l’Espagne, les Etats-Unis et l’Italie. Pour résumer, le secteur des vins rosés est en pleine croissance. Il entraîne avec lui une mutation du marché du vin avec de nouvelles aires de production qui lui sont spécialement dédiées, de nouvelles boissons à base de vin rosé, ou encore des rosés d’exceptions aux prix rivalisant avec les crus les plus réputés.
Le rosé de grande distribution
Le rosé est à la mode, simple (ou en tous cas rapide) à faire et à apprécier : il plaît. C’est donc un produit attractif pour les grands industriels du vin - notamment 2 groupes qui possèdent les marques de vins les plus vendues en France. Le groupe Castel numéro 1 Français, détenant des marques comme Roche-Mazet, Baron de Lestac, Listel rosé ou la Villageoise. Il est suivi par le 2ème groupe français du secteur, le groupe “Grands Chais de France”, qui connaît un franc succès sur les étales des supermarchés avec ses marques Grand Sud et JP Chenet, cette dernière marque étant la plus vendue. Sa production représente plus d’un million d'hectolitres par an, soit la vente de 85 millions de bouteilles à travers 160 pays différents.
Pour ces vins produits en énorme quantité, le prix de vente est minime et frise avec le prix de l’eau minérale. Les vins produits et vendus par ces groupes se situent entre 1€ et 4€ par bouteille. La stratégie des industriels du secteur est de pousser les jeunes à consommer du vin. Pour ce faire, ils ont créé les rosés aromatisés : le plus connu est le rosé pamplemousse. Les rosé aromatisés représentent aujourd'hui 1% de la production mondiale de vin !
Malgré son image de vin très bon marché et de mauvaise qualité, certaines régions de France ont fait du rosé leur spécialité et sont arrivées à produire des vins de très bonne qualité.
Les rosé d’AOP
La production française de vins rosés fait apparaître qu’environ 45% de cette production correspond à des vins AOP. Bandol, Coteaux d’Aix-en-Provence, Côtes-de-Provence et Montagne Sainte-Victoire font partie des AOP les plus réputées dans la production de rosé. Elles ont un point commun : elles sont toutes situées en Provence. Aujourd'hui, cette région produit des vins blancs, rouges et rosés, mais ces derniers représentent 89% de la production de la région. Ces AOP sont un repère pour le consommateur, car elles possèdent un cahier des charges strict qui garantit la qualité du vin. Les rosés produits dans les AOP sont vendus en grande surface, mais aussi sur les tables des restaurants, chez les cavistes et dans les domaines. Le prix moyen de ces vins est de 5 à 10 €.
Cas particuliers : les rosés prestige
Certains domaines ont misé sur les vins rosés haut de gamme. Ce sont des cas particuliers, notamment au niveau de l’élevage (vieillissement du vin). Certains n’ont de rosé que la couleur et leur élaboration s’apparente plus à un vin rouge de garde. C’est le cas par exemple de :
- Le Parisy du domaine du Château des Tours, qui est élevé longtemps. Les experts le classent comme un ovni en son genre. Très dur à acquérir, il vous faudra débourser pas moins de 70€ sur des sites d’enchères pour vous en procurer.
- Le domaine espagnol de Lopez de Heredia produit un rosé vieilli 4 ans en fût et commercialisé seulement 10 ans après son élaboration. Un rosé extraordinaire selon ses rares dégustateurs, lui aussi autour des 70€.
D’autres rosés, moins complexes, sont aussi très prisés et assez onéreux, c'est le cas pour les rosé “stars”. Deux maisons se volent la vedette, le rosé Miraval d’un côté (rosé appartenant au deux stars Brad Pitt et Angelina Jolie) et de l’autre le Château Minuty. Ces deux rosés sont en moyenne vendus à un prix supérieur à 20€. Ils ont contribué largement à la mode des rosés très clairs, une caractéristique désormais synonyme de haut de gamme pour les consommateurs.
Pour finir, certains producteurs de vin se sont lancés dans la production du rosé le plus cher au monde avec en tête Gérard Bertrand et son rosé le Clos du Temple qui est affiché entre 150€ et 200€. Buzz marketing ou révélation gustative ? A vous de juger…